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Allocution de M. François Lefort

Président du Grand Conseil

de la République et Canton de Genève


à l’occasion de la commémoration du débarquement des troupes suisses au Port Noir

1er juin 2020



Au peuple de Genève,

A nos très chers Confédérés

Chers concitoyennes et concitoyens,


L’histoire d’un pays est faite de symboles, permettant de se souvenir du chemin de ce pays et de son peuple, ces symboles rappellent des évènements marquants du passé, mais constitutifs du présent, pour cette raison s’en souvenir c’est rappeler ce qu’est Genève, ce que nous sommes et c’est transmettre la fierté de ce passé, qui a fait le présent. Nous célébrons chaque année trois dates symboliques de l’histoire de notre République, la miraculeuse délivrance du 12 décembre 1602, la restauration de la République du 31 décembre 1813, et le débarquement des Suisses le 1er juin 1814. Chacune de ces dates est un souvenir des péripéties et des duretés d’une époque.

Les deux dernières dates, les plus récentes, nous parlent de choix et de décisions prises, dans une époque tumultueuse, où des armées étrangères occupent successivement Genève et sa région, dans une époque où tout est incertain, où les armes ne se taisent pas encore. Le gouvernement provisoire proclame la restauration de la République le 31 décembre 1813. Entre ce moment et le premier juin 1814, Genève n’est rappelée aux puissances coalisées que par la persévérance de ses envoyés à Bâle, à Zürich et à Paris et par la bienveillante attention des Suisses. Pendant ces mois d’incertitude, Genève recherche la reconnaissance, de la République, et de sa volonté de se rattacher à la Suisse. Cette reconnaissance actée par les puissances coalisées permet à Genève de demander à la Diète de Zürich que les forces suisses rejoignent Genève en remplacement de l’armée autrichienne d’occupation, ce qui sera acquis le 21 mai 1814.

Le 1er juin 1814, deux compagnies de Fribourg et une de Soleure, formant le contingent fédéral, parties de Nyon, débarquent ici au port de Traînant, maintenant le Port Noir pour initier le rattachement de Genève à la Confédération Suisse. Bien sûr ce rattachement nécessitera encore de longues négociations diplomatiques lors des traités de Paris en 1814, de Vienne en 1815 et enfin de Turin en 1816. Ce long processus a conduit à l’entrée de Genève dans la Confédération acceptée par la Diète fédérale le 12 septembre 1814 et consacrée par le traité du 19 mai 1815 qui fit de Genève le 22eme canton suisse.

Mais nous ne célébrons jamais ni le 12 septembre, ni le 19 mai, nous célébrons le début de ce nouveau chemin que nous faisons avec la Confédération Suisse qui nous a accueilli il y a 206 ans.

Nous célébrons le 1er juin, ce débarquement amical et désiré d’une armée qui deviendra la nôtre. Nous célébrons la jonction des esprits libres de Genève et de la Suisse unis dans le même amour de la liberté et des lois librement choisies, alors que dans les fracas de l’époque, partout en Europe se sont restaurés royaumes et empires.

Nous célébrons le 1er juin, qui donna à Genève un futur plus proche de son histoire et de ses aspirations rebelles à la liberté, une histoire faite par des Genevoises et Genevois d’ici ou venus d’ailleurs, qui ont aimé et défendu cette République et ses valeurs, et ont pu y trouver la paix et le refuge et y réaliser leurs espérances. Des Genevoises et Genevois qui nous ressemblent.

Nous célébrons le 1er juin, l’agrégation joyeuse de Genève à la Suisse, puisqu’elle fut célébrée dans la joie et l’espoir de jours meilleurs.

Nous célébrons le 1er juin la jonction de nos destinées à celle des Confédérés pour la paix et la sécurité.

Ce que nous célébrons comme acte fondateur de notre relation moderne à la Suisse c’est en fait aujourd’hui le défi européen de la Suisse moderne.

L’idée suisse a uni des peuples, des langues, des cultures et des confessions différentes, en respectant l’identité particulière de chaque état confédéré. L’idée européenne en est très proche, très semblable. Ses valeurs fondamentales sont les mêmes : la démocratie, la paix, les droits de l’homme et la solidarité. Je me rappelle avoir entendu il y a quelques années d’un conseiller fédéral, que la Suisse ne devait pas se considérer comme un modèle à exporter. Ce n’est certes pas à nous de le dire, mais si nous n’avons aucune velléité d’en faire la leçon, ce modèle qui nous a réussi est libre de droit et libre à être importé, en espérant qu’il puisse aider ensuite à nous accueillir, car la Suisse, de par son expérience fédéraliste peut apporter beaucoup à l’Europe.

Voilà en quelques mots ce que représente le 1er juin pour Genève, et pourquoi il faut s’en souvenir chaque année.

Nous nous rappellerons aussi certainement du moment étrange de cette pandémie qui se termine, qui a bouleversé nos vies, mais du passé que nous célébrons aujourd’hui, nous avons eu la force de la surmonter.


Vive Genève

Vive la République,

Vive la Confédération Suisse.

François Lefort

Président du Grand Conseil de la République et Canton de Genève